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À toi qui cherches un avortement par les plantes

À toi qui cherches un avortement par les plantes. J’ai lu ton courriel ce matin, ou alors on s’est parlées au téléphone tantôt. Dans tes mots j’entends ce que tu cherches, dans ta voix je te comprends, tellement. 

Disons-le tout de suite, tu ne trouveras pas de recette dans cet article, pas de dosage. Je t’offre par contre 2000 mots sur ce que je sais de l’avortement par les plantes. Je t’expliquerai ensuite pourquoi je ne le pratique pas, et enfin comment je choisis plutôt de déployer ma pratique. Si, après cette lecture, tu souhaites en savoir plus sur les plantes qui peuvent t’accompagner, je t’invite à te procurer le guide Plantes médicinales pour soutenir l’interruption de grossesse médicale. Nous pouvons aussi travailler ensemble pour un accompagnement à l’interruption de grossesse.

Alors allons-y. 

Ce que je sais de l’avortement par les plantes

« L’invention »  du contrôle des naissances

L’interruption de grossesse par les plantes est non seulement possible, mais c’est une pratique millénaire et relativement sécuritaire. Aussi surprenant que cela puisse paraître pour certains, la contraception n’a pas été inventée en Occident dans les années 1970. Selon Cat Bohannon, spécialiste de l’évolution du langage et de la cognition, et autrice acclamée de l’ouvrage « Ève : 200 millions d’années d’évolution au féminin », une telle idée serait effectivement non seulement patriarcale et coloniale, mais également anthropocentrée. 

L’humain, comme beaucoup de mammifères, a acquis au cours de son évolution le moyen physiologique de mettre fin à une grossesse en réponse à une anomalie génétique (ex. : fausse couche, aussi appelée interruption de grossesse spontanée). Une grossesse sur cinq environ est en effet interrompue spontanément chez la femme, parfois avant même que celle-ci n’ait eu connaissance de la grossesse.

Plusieurs mammifères ont aussi acquis le moyen de mettre fin à une grossesse en réponse à un stress social, c’est-à-dire lorsque les conditions externes ne sont pas favorables pour poursuivre une grossesse. Cette adaptation évolutive, nommé l’ « effet Bruce », est bien documentée chez plusieurs mammifères : les femelles avortent spontanément, en amont d’une certaine durée de gestation pivot, si elles se trouvent en présence fermée avec un mâle autre que le géniteur (ou l’odeur de son urine). Ceci serait dû à une réponse physiologique au stress important causé par le fait que le mâle de ces espèces est connu pour tuer et/ou manger la progéniture qui n’est pas la sienne. C’est comme si les femelles réagissaient lorsque les conditions externes ne sont pas optimales pour donner naissance, en mesurant l’énergie à investir pour porter à terme. 

Une femme d’exception

L’ « effet Bruce » a été observé chez les rongeurs, les lions, les chevaux et les primates (sauf les humains). Jusqu’à 80% des femelles gestantes Geladas (des primates d’Éthiopie) avorteront spontanément si le mâle alpha est détrôné. Dans le milieu équestre, il est aussi bien connu que jusqu’au tiers des juments domestiquées peuvent avorter spontanément si elles ont été accouplées avec un étalon d’une autre écurie. Pour palier à ces statistiques, les éleveurs prennent soin de laisser la jument nouvellement gestante, à son retour de l’écurie qu’elle a visité, passer quelque temps avec l’étalon « de la maison », puisqu’ils ont observés que ces juments feront tout pour s’accoupler avec ce dernier, allant jusqu’à briser des clôtures. Ce comportement équin a aussi été observé dans les troupeaux de chevaux sauvages lorsqu’une jument s’est accouplée avec un étalon autre que le mâle dominant. 

Le mécanisme physiologique de ce phénomène répandu n’est pas encore connu, mais Bohannon avance que la femme humaine est une exception à la règle de l’ « effet Bruce » et que, si son anatomie et sa physiologie ne se sont pas adaptées pour mettre fin spontanément à une grossesse en réponse à un stress social, certainement que l’évolution l’a dotée de moyens différents pour y parvenir.  

avortement par les plantes

Des plantes dans sa besace

Nous explorerons quels auraient pu être ces moyens, mais d’abord soulignons que les chercheurs ont également observé depuis longtemps la coévolution qui s’est faite pour les primates avec les plantes. De nombreuses recherches ont en effet documenté que ceux-ci s’auto-médicamentent en sélectionnant les plantes qui possèdent des composés secondaires qui les guérissent. Un exemple? Certains chimpanzés qui ont des vers intestinaux s’attarderont longuement à peler de jeunes pousses d’une plante très amère pour en consommer la partie interne. Les chercheurs ont observés une charge de vers à la baisse dans leurs fèces suite à la consommation de cette plante, et par ailleurs que les chimpanzés qui n’ont pas de vers ne consomment pas ces pousses. 

Même des plantes qui sont connues pour avoir un impact sur la fertilité (phytoestrogéniques, emménagogues, abortives) ont été observées comme étant consommées par des primates à différentes périodes de leur vie. L’adaptation évolutive des femmes humaines pour mettre fin à une grossesse en réponse à un stress social, le pendant de l’ « effet Bruce », serait donc plutôt comportementale que physiologique. En effet, les premiers humains étaient des êtres sociaux, capables de résoudre des problèmes et d’utiliser des outils. Vous visualisez probablement en lisant cette dernière phrase des humains (des hommes) préhistoriques tenant dans la main des pierres affûtées. Tournons un instant le regard vers les femmes dans l’image, qui tiennent dans la main des plantes, ces outils issus de leur esprit affûté.  

Plantes avortement

Manger le hasard par la racine

Toujours selon les recherches en évolution humaine de Cat Bohannon, les grandes migrations des premiers humains hors de l’Afrique n’auraient pas été possibles sans les connaissances que ces peuples possédaient sur les plantes et leur application en gynécologie. Le maintien d’une masse critique de population nécessaire pour se déplacer sur plusieurs générations, équilibrée avec la disponibilité des ressources locales, ne peut pas selon Bohannon être uniquement le fruit du hasard. 

Ces hominidés auraient utilisé les outils à leur portée, dans leur société, pour contrôler les naissances. Aujourd’hui, la société dans laquelle nous vivons met à notre disposition une gamme d’outils, selon les connaissances contemporaines, dans un système capitaliste. Ceci dit, je ne crois pas que les plantes soient un moyen de nous rapprocher de la nature, dans une société capitaliste. Je suis plutôt persuadée que les plantes nous rappellent que nous sommes la nature, ce que le capitalisme a voulu nous faire oublier

« Ce corps par-delà les frontières de la peau […] relève d’une continuité magique avec les autres êtres vivants qui peuplent la Terre : les corps humains et non humains, les arbres, les rivières, les mers, les étoiles. C’est l’image d’un corps qui réunit ce que le capitalisme a séparé […] ». Silvia Federici, militante féministe pionnière, auteure reconnue et professeure émérite à l’Université Hofstra à New York.

Tel que décrit plus bas, mon approche de l’interruption de grossesse tend à honorer la science moderne et le sacré ancestral. Je reconnais tous les atouts de la société des humains et non humains dont je fais partie.

Histoires de plantes

Enfin, un autre auteur phare de l’histoire de l’avortement par les plantes, John M. Riddle, soutien que cette pratique est non seulement ancestrale, courante notamment dans l’Égypte ancienne, mais que des traces populaires de ces savoirs persistent encore aujourd’hui. Dans son livre « Eve’s Herbs : A History of Contraception and Abortion in the West » (Les herbes d’Ève: Une histoire de la contraception et de l’avortement en Occident, traduction libre) ce directeur du département d’histoire et professeur distingué de l’Université d’État de Caroline du Nord explique qu’on retrouve des connaissances sur l’avortement par les plantes parfois même sous une forme codée dans des chansons ou comptines que l’on apprend aux enfants dans plusieurs cultures, ou même dans certaines œuvres de Shakespeare. 

Pour finir, notons que l’avortement par les plantes a fait l’objet d’un article récent qui s’est penché sur des données de recherche empiriques contemporaines afin de recenser différentes pratiques. Les résultats démontrent notamment que, bien que les plantes soient le plus utiles au tout début d’une grossesse à interrompre, leur puissance réside surtout en leur capacité d’offrir des soins holistiques quelle que soit la méthode d’interruption de grossesse choisie.

Pourquoi je ne pratique pas l’avortement par les plantes

L’avortement uniquement par les plantes implique plusieurs catégories de plantes avec différentes actions, prises selon un important dosage et une méthode précise. C’est également un soin qui demande un engagement soutenu de la personne qui le reçoit, pouvant aller de 2 à 3 semaines à temps plein pour se compléter. Rares sont les personnes qui peuvent s’engager dans une telle démarche avec les plantes pour une si longue durée, impliquant un retrait total des activités courantes (emploi, études, soins aux autres enfants, etc.). Même si une personne voulait s’impliquer de la sorte, moi-même je pourrais difficilement me rendre disponible de cette manière pour accompagner chaque cliente de manière bienveillante, d’autant plus que je le ferais majoritairement à distance puisque j’habite en région. 

Par ailleurs, si je choisis de ne pas pratiquer l’avortement par les plantes ce n’est pas parce que je crois qu’il ne peut pas être efficace, au contraire. Je crois plutôt que ce soin, ainsi que la résolution des possibles complications qui pourraient survenir (tout comme lors d’une interruption de grossesse médicale), requiert des compétences pour lesquelles seule une professionnelle de la santé, médecin ou sage-femme, peut engager sa responsabilité, au Québec en 2025. 

Plantes médicinales avortement

Comment je choisis de déployer ma pratique 

Les plantes ne sont pas mes outils de choix pour provoquer une interruption de grossesse ni pour résoudre d’éventuelles complications. Elles ont néanmoins ma préférence pour la prévention des malaises et complications liés à une interruption de grossesse. 

En 1990, Isabelle Brabant, sage-femme et autrice du populaire livre « Une naissance heureuse » et Ginette Paris, psychologue, écrivaient dans leur ouvrage « Avorter avec amour » : « Pendant l’avortement, il devrait y avoir quelqu’un qui te tient la main, qui te regarde dans les yeux avec compassion. Un homme ou une femme. Chaque femme devrait choisir pour elle-même. Au moment où on ouvre le col, un flot d’émotions peut émerger; il est bon alors qu’on ait les yeux d’un autre être humain dans lesquels plonger ». 

Trente-cinq ans plus tard, on ne peut malheureusement pas affirmer que de tels soins soient systématiquement offerts. Le métier d’accompagnante à la naissance est de plus en plus connu et reconnu en salle d’accouchement, mais l’accompagnement pour une personne qui exerce son droit d’interrompre sa grossesse demeure quant à lui peu commun et peu accessible. Or, de la même manière que je crois que les plantes sont des doulas pour les naissances, les plantes sont des doulas pour toutes les issues de grossesse.

Les plantes et la louve

Comme une doula, les plantes « tiennent la main », c’est-à-dire qu’elles renforcent la capacité de notre corps à faire ce qu’il sait déjà faire, soit expulser le contenu de l’utérus de manière saine et sécuritaire (que ce soit pendant les menstruations, suite à une fausse couche, une interruption de grossesse ou lors d’une naissance). Augmenter les réserves de fer, diminuer la douleur, prévenir les infections, renforcer l’équilibre du système nerveux sont autant d’exemples d’actions que font les plantes dans toute leur sagesse végétale. 

Mais la partie que je préfère c’est quand, au-delà des propriétés de la plante elle-même, le fait de reconnaître et de consommer cette plante nous relie aux savoirs de toutes les femmes du monde, depuis toujours. Ce geste te relie à la partie de toi, la louve, qui sait non seulement que tu souhaites interrompre cette grossesse, mais aussi ce qui est bon pour toi à chaque étape de l’interruption de grossesse, quelle que soit la méthode choisie. Tu sais aussi que ton corps détient une sagesse toute humaine. 

À toi qui cherches un avortement par les plantes. Je te souhaite d’emporter des plantes dans ton sac à main, et que quelqu’un te tienne la main.

Avortement plantes